Départ pour le canal des moines 6 octobre 2018 photo CeR


Nous étions 22 participants à ces deux journées de visite à l’abbaye d’Obazine les 6 et 7 Octobre 2018, heureux de nous retrouver sur la place du village,  après  un réveil matinal et une longue route.
C’est sous un soleil radieux que sous la conduite d’une jeune guide de l’office de tourisme, nous sommes partis découvrir le canal des moines, réalisé à la fin du XIIème siècle par les moines cisterciens pour alimenter le monastère en eau courante ; ouvrage d’art et de technique exceptionnel, classé au titre des monuments historiques depuis 1966. Epousant tous les contours du versant rocheux et escarpé du Coyroux, ce canal de 2 km avec une pente à 0,5%, constitue un vrai défi et témoigne de la grande audace des moines pour contourner les obstacles naturels et enjamber les précipices. En suivant le chemin digue qui longe le canal surplombant parfois des à pics de plus de 40 m, après avoir admiré le passage du canal à travers la brèche de Saint Etienne nous sommes arrivés à la prise d’eau sur le Coyroux avant de redescendre tranquillement en suivant le fil de l’eau…
La très confortable halte à l’hôtel de la Tour autour d’un excellent repas nous a permis de retrouver des forces pour l’après midi.
L’église abbatiale de la deuxième moitié du XIIème siècle mesurait 80 m et possédait 9 travées. Le bâtiment fragilisé a été amputé de 6 travées au milieu du XVIIIème siècle. Les trois travées qui restent  composent la nef qui a un vaisseau central et deux bas côtés. Le transept est particulièrement imposant ; chacun des deux bras est équipé à l’est de trois chapelles à chevet plat. La croisée du transept est couverte d’une coupole sur pendentifs ces surfaces triangulaires et concaves assurent la transition entre le plan carré de la travée et le plan circulaire de la coupole tout est bâti en pierres de taille. La simplicité, le dépouillement, la taille précise et l’assemblage des pierres donnent une grande sensation d’harmonie.
Mais outre son architecture l’église abrite des chefs d’œuvres :

  • Quatre vitraux cisterciens d’époque en grisaille sont parvenus jusqu’à nous (trois côté nord de la nef aux baies des trois travées subsistantes et un orne la baie occidentale du bras du transept nord).
  • Une armoire liturgique du XIIème considérée comme le plus ancien meuble de France. Elle est en chêne  et sa décoration est d’inspiration architecturale. Les serrures qui bloquent les loquets sont ornées de têtes d’animaux d’une grande finesse.
  • Une Vierge de pitié en calcaire polychrome de la fin du XVème.
  • Le tombeau d’Etienne d’Obazine (mort en 1159, d’abord enseveli dans la salle capitulaire puis déplacé dans son tombeau entre 1250 et 1260) combine un gisant et une structure architecturale du type chasse reliquaire ornée  de scènes sculptées représentant la Vierge et l’enfants Jésus, les abbés des abbayes filles d’Obazine , les moines, les convers, les moniales, les paysans. Les deux pignons portent des motifs végétaux d’une grande finesse. C’est sans doute l’œuvre d’un atelier de la région parisienne ayant travaillé pour une commande officielle de l’Ordre cistercien ; Saint Louis ne fut probablement pas étranger à cette réalisation.
  • La mise au tombeau du Coyroux est une œuvre du XVème siècle partiellement retrouvée lors de la fouille de l’église du monastère féminin.
  • Les stalles en bois sculptées pour cet édifice au début du XVIIIème siècle sont célèbres pour les têtes très réalistes qui ornent leurs miséricordes.

Nous avons visité les bâtiments réguliers sous la houlette bienveillante et pleine d’humour  de sœur Christophora, la supérieure du monastère grec-melkite catholique de la Théophanie, communauté de tradition byzantine unie à Rome, installée depuis 1965. Le monastère est classé monument historique depuis 2007 et appartient au Patriarcat melkite d’Antioche : (https://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Saeur-Christophora-gardienne-de-l-abbaye-d-Aubazine-en-Correze-2015-01-19-1269634).
Du cloitre simplement charpenté de 43 m de coté et de 3,70 m de large, il ne reste rien de l’architecture des galeries on voit juste par endroit des corbeaux. Le centre du jardin du cloître est occupé par une vasque monolithe vestige du lavabo du cloître alimenté par la même source qu’au XIIème siècle et dont l’eau est délicieusement potable…
Le jardin est dominé par le clocher  qui surmonte la croisée du transept c’est une prouesse architecturale. Pour préserver l’étanchéité de l’édifice des parties ont été recouvertes d’une protection en lauze.
Le bâtiment nord comprenait le chauffoir et un vaste réfectoire des moines il n’en reste que la cuisine implantée entre le lieu de vie des moines et celui des convers. Cette cuisine a subi plusieurs transformations elle est composée de deux travées voûtées d’arêtes la cheminée monumentale est de la fin du XVIIème siècle. A l’arrière de la cuisine le vivier alimenté par le canal des moines est parfaitement conservé. Il alimentait un ensemble de quatre moulins.
La galerie orientale du cloître s’appuyait sur les bâtiments d’habitation des moines dont le rez-de chaussée n’a pas été modifié depuis le XIIème siècle. On y trouve la salle capitulaire, un passage dont la voûte est remarquable, l’escalier reliant le dortoir au cloître  et la salle de travail des moines.
Initialement ce rez-de chaussée était surmonté d’un étage occupé par le dortoir des moines. Au XVIIIème siècle le dortoir a été remplacé par des cellules et un autre étage a été aménagé. Des appartements confortables avec boiseries et cheminées occupent le premier étage. Le couloir est pavé de petits galets qui forment un motif représentant les armes de l’abbaye ; il est orné d’une belle statue de la Vierge d’Obazine datant du XIVème siècle où l’enfant Jésus est représenté chauve.
C’est dans les combles transformés en orphelinat au XIXème siècle qu’Obazine a accueilli pendant 6 ans  Gabrielle  Chanel future Coco Chanel: https://www.lamontagne.fr/aubazine/loisirs/art-litterature/2015/09/18/sur-les-traces-correziennes-de-coco-chanel_11588542.html.
Thomas Poiraud notre Co-président  nous a servi de guide pour la visite de l’abbaye du Coyroux  située à 600 mètres du bourg.  Créée par Etienne  et affiliée grâce à lui en même temps que le monastère d’hommes à l’ordre cistercien en 1147, c’est  la  première abbaye de femme reconnue par l’ordre cistercien.

Au Coyroux le 6 octobre 2018 Photo CeR


Elle a été construite sur une terrasse remblayée  dans le lit du Coyroux la qualité de la construction est moindre à Coyroux qu’à Obazine alors que la construction s’est effectuée au même moment.
Abandonnée depuis 1791 il ne reste plus que les murs ruinés de l’église, mais des fouilles conduites de 1976 à 1989 ont permis de comprendre le plan du monastère ainsi que ses diverses transformations qui ont été rendues indispensables du fait de sa situation dans le lit du Coyroux, donc exposée aux caprices du torrent.
Dans ce petit monastère bien isolé les moniales étaient cloîtrées sous la dépendance stricte du monastère d’homme voisin qui pourvoyait à leurs besoins pour cela une porterie était aménagée à la manière d’un sas.
Après cette première journée riche en découvertes nous nous sommes séparés après un verre de l’amitié.
Dimanche matin était dédié à la découverte des possessions d’Obazine autour de Rocamadour qui étaient très nombreuses et dont le rôle principal était de nourrir les pèlerins. La guerre de Cent ans a complètement dévastée la région et dès 1457 tout ce qui pouvait encore être de quelques valeurs fut donné à cens.
Nous nous sommes retrouvés au moulin fortifié de Cougnaguet (commune de Cales) classé monument historique en 1925, et qui dépendait de la grange des Alix.

Au moulin de Cougnaguet 7 octobre 2018 photo CeR


Situé au bord de l’Ouysse au pied des falaises ce superbe moulin à eau  de quatre meules fonctionne encore grâce à Raymonde et Hubert Faure. C’est au son du Tic Tac du moulin et guidés par Hubert et son accent chantant du Quercy que nous avons fait une visite inoubliable dans le monde des moines meuniers du XIVème siècle.
https://www.youtube.com/watch?v=eGSsyQgJuXQ
La grange des Alix, près de Rocamadour était la tête de toutes les possessions d’Obazine et un village s’est, dès le XIIIème, construit autour. Il reste des parties importantes de ce qui était un prieuré occupé par les moines cisterciens : Un corps de logis, une enceinte avec ses tours et la petite chapelle Saint Etienne qui sert de grange et pour laquelle la fondation du patrimoine lance une souscription. https://www.fondation-patrimoine.org/les-projets/chapelle-des-alix-a-rocamadour
En 1994, l’ensemble de l’ancien prieuré fut inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques.
 
C’est aux Alix que nous nous sommes séparés, enchantés par ces deux jours passés tous ensemble dans l’ombre des cisterciens chez Etienne d’Obazine que Bernadette Barrière a tant étudié.
 
Bibliographie :
 
Edmond Albe. Titres et documents sur le Limousin et le Quercy. I. Les trois états du Quercy et le vicomte
de Turenne (1477). II. Les possessions de l’abbaye d’Obazine dans le diocèse de Cahors et les familles du Quercy .Extrait du Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de Corrèze, Brive, Roche,1910.
 
Bernadette Barrière  Limousin Médiéval, le temps des créations, recueil d’articles, Pulim 2006.