21 Mars 1322 des fêtards à la porte, leur chahut dégénère la justice enquête. Jean Delmas 

 
Cette conférence illustrait parfaitement celle sur « L’exercice de la justice dans un domaine cistercien, exemple de la grange de Bonnefon (XIIe -1510)» que Monsieur Delmas avait faite lors de la deuxième journée d’étude de Cisterciens en Rouergue et dont un résumé est dans la Revue 120 de Sauvegarde du Rouergue.
Le fait divers se déroule à Bonnefon le soir du 21 mars 1322.
Le sénéchal de Rouergue a instauré en 1300 un baillage, une juridiction royale,  dans sa bastide de Sauveterre de Rouergue. L’administration royale n’a désormais plus besoin du paréage, une justice commune, comprenant la haute et la basse justice, qu’elle avait précédemment imposée à l’abbaye. En 1317, le roi cède sa part du paréage à Arnal de Landorre.
Ce 21 mars, des fêtards jettent le trouble dans la grange de Bonnefon, le sang coule. C’est un délit qui relève de la haute justice. Qui a compétence dans ce cas : le roi, dont les officiers se sont saisis de l’affaire ? La justice commune du paréage de Bonnefon-Naucelle ? Outre le problème de droit, il faut savoir que la rixe a peut-être eu lieu à la porte de l’enclos de la grange, « infra portam », que par conséquent la justice pourrait être rendue sur place, selon l’usage, et qu’elle y serait plus rapide et surtout plus indulgente pour les justiciables. Quinze personnes de la grange sont « mises en examen » par la justice du bailliage. Arnal de Ladorre et l’abbé de Bonnecombe contestent.
Les témoins de Naucelle défilent, plutôt favorables au paréage. Ils évoquent la moralité des fêtards, habitués des rixes ou des larcins, et celle des gens de la grange, parmi lesquels deux frères convers venus de Candeil, en Albigeois.
Le rouleau de parchemin qui relate cette histoire n’est malheureusement pas complet, mais il nous livre le récit très vivant d’un instant de vie dans une grange monastique et un problème de conflit de juridictions au Moyen Âge.
 
 
Bonnefon, archéologie du bâti. Alain Gilbert
 
En 1369 pendant la guerre de cent ans Bonnefon est détruite par le feu.
L’abbé de Bonnecombe demande que soit reconstruit la tour et le logis en 1427.
Fait exceptionnel en Rouergue elle est construite en briques de taille à peu près régulière d’épaisseur : 7 à 9 cm moyenne 8 cm, longueur 35 à 42 cm moyenne 39 cm, largeur 22 à 26 cm moyenne 24 cm.
Alain Gilbert pense qu’il a fallu  entre 95 000 et 115 000 briques pour réaliser le corps de logis (la tour faite en pierre est postérieure car sa construction englobe l’angle du logis).
Plusieurs ateliers auraient été sollicités pour pouvoir fournir cette grande quantité de briques.
La communication a été illustrée par de nombreuses photographies.
 
La discussion qui a suivi a porté sur la provenance des briques.
Pour Martine Houdet qui nous fait profiter de son expérience acquise par l’étude des briquèteries du Tarn : les briquèteries étaient sur place en effet les cas de transport de briques sont rares et sur de petites distances. D’autre part le fait de ne pas trouver de four ne veut rien dire, en effet dans le Tarn pour un château construit en briques on n’a jamais retrouvé les fours alors que grâce aux archives on sait qu’ils étaient proches.
Léo Savy, nous fait bénéficier de son expérience de potier ; Pour lui il y avait assez d’argile sur place. D’autre part Gilbert Imbert dans ses travaux sur Naucelle mentionne qu’il y avait des charrois de bois pour cuire la terre.
 
Architecture de la grange de Bonnefon,  une énigme archéologique. Jacques Miquel
 
Avant sa destruction en 1962 la bâtisse de la grange de Bonnefon s’apparentait aux tours grangières de Masse, Seveyrac ou La Vayssière avec des dimensions parmi les plus grandes : 17 m sur 12,5 m.
Nous avons la chance de posséder deux cartes postales de 1910 qui nous apprennent beaucoup et en particulier qu’il y avait une fissure importante sur le logis vraisemblablement provoquée par un problème d’instabilité du terrain ( fond d’argile) et par le poids des briques ( une brique pèse 10 kg il y en avait 100 000).
Un compte rendu de visite de 1781(que Jacques Miquel a trouvé dans les archives de Gilbert Imbert) réalisée afin de rechercher une prison dans la grange nous éclaire sur l’organisation du logis .Les modifications successives des fonctions des pièces conduisent parfois à des énigmes. Quel était l’usage des différents niveaux de la tour dont l’accès était difficile ?
Bonnefon, grange cistercienne, a été construite entre le XIVème et le XVIème siècle en brique avec les mêmes joints gras que ceux que l’on retrouve à Albi au palais de la Berbie ou à la cathédrale Sainte Cécile.
 
 
 
Une revue du Carto club ruthénois sur Naucelle va paraître prochainement Jacques Miquel y a largement participé on pourra y voir les  cartes postales de Bonnefon avant sa destruction.