Voici le premier  résumé des 6 communications données lors de la journée d’étude de Cisterciens en Rouergue consacrée à l’abbaye de Beaulieu en Rouergue et son environnement le 29 Aout 2015.
 

Costejean, un prieuré  de cisterciennes, près de Beaulieu, par Jean Delmas

Quand on descend la vallée de la Bonnette, juste avant d’arriver à Saint-Antonin-Noble-Val, on aperçoit, rive droite, sur le coteau, les bâtiments de l’ancien prieuré de Costejean. Il relevait du diocèse de Rodez, du chapitre ou de la paroisse de Saint-Antonin et de la communauté civile du même nom. Vers 1270-1282, Elisabeth de Vallat, veuve de Bertrand de Belfort, avait acheté une propriété rurale avec des bâtiments d’exploitation, connus sous le nom de la Bastide d’Izambart. Elle avait l’intention d’y établir une communauté de religieuse. Cinq ou six femmes étaient venues la rejoindre dans son projet. Il y aurait eu des réticences : l’abbé ou prieur-mage de Saint-Antonin redoutait que ce soit un prétexte pour lui enlever une partie des dîmes ; les consuls une partie des revenus de la ville. Mais l’apport financier et foncier d’Elisabeth de Vallat, assurait l’autonomie de sa communauté, ce qui devait apaiser leurs craintes.  L’autorité religieuse, l’évêque de Rodez, exigeait deux garanties, l’une de discipline, l’autre de protection. La première fut résolue par l’union à l’abbaye cistercienne de femmes la plus proche, Leyme, près de Saint-Céré, en Quercy. L’abbesse exercerait sa tutelle et veillerait sur le bon ordre spirituel et communautaire du prieuré. En contrepartie, la fondatrice et première prieure posa comme condition qu’en raison de l’apport que sa famille faisait par son intermédiaire, ses héritiers auraient un droit de patronage (nomination de la prieure).  L’aumônier désigné,  sans doute dès le début, fut un cistercien du monastère de la Garde-Dieu en Quercy et non  de Beaulieu en Rouergue, pourtant plus proche. La seconde garantie concernait la sécurité des religieuses, car Costejean était isolé dans la campagne, ce qui présentait des risques en cas de troubles civils ou de guerre. Il fut décidé de construire un monastère dont le mur extérieur constituerait certes la clôture régulière, mais qui serait renforcée d’éléments défensifs. Vint la guerre de Cent Ans. En 1368, les Anglais quittaient officiellement  Saint-Antonin, mais une bande de routiers, dits Anglais, qui tenaient garnison à Pervinquières (Cne de Ginals), arriva, un soir de novembre 1376, devant les murs de Costejean. Depuis les environs de Saint-Antonin, on aperçut des feux. Un incendie ? Un signal ? Les bouviers au service du prieuré les avaient allumés ; cela suffit à dissuader les soldats d’être  tentés par la maraude. Ce fut plus grave en 1562 ; les protestants de Saint-Antonin pillèrent et brûlèrent le prieuré et ses archives. La paix civile revenue, les religieuses revinrent et, dès 1600, entreprirent de relever le casal (les ruines).  Les travaux  ne furent achevés qu’en 1667. Cela coûta fort cher, de quatre à cinq cents écus. La perte des archives pouvait fournir aux uns et aux autres partenaires l’occasion de revenir sur les accords du XIIIe siècle. Il fallut de nouveau discuter et plaider, pendant des décennies.  L’abbesse de Leyme revendiquait la nomination de la prieure. En 1695, la prieure élue, Barbe de Juillac, lui opposait le patronage de la famille de la fondatrice.  Il n’y avait plus, selon les années,  que quatre à sept moniales. A la Révolution, la communauté fut dissoute et, le 17 juin 1791, le prieuré, saisi par la Nation, fut vendu à un particulier.
Les bâtiments du XIVe siècle, restaurés au début du XVIIe, existent toujours. Ils forment un rectangle entourant une cour. On trouve, côté nord, une tour carrée de trois niveaux (quatre plus tard, car le rez-de-chaussée a été divisé en deux par un plancher) qui  a l’apparence d’une tour-refuge et  a sans doute été ajoutée après les premières alertes de la guerre de Cent Ans. Elle est desservie, hors œuvre, par une tourelle d’escalier. On a, côté ouest, une cave et un cellier de construction plus ancienne que le reste de l’édifice (on songerait, comme à Beaulieu, à une chapelle provisoire), puis, selon l’inventaire de 1791, un « parloir », mais j’ai tout lieu de penser que c’était le réfectoire, car la cuisine est à côté. On avait encore, côté est, le four, le fournil et la chapelle. L’entrée se faisait, côté sud, entre la cuisine et la chapelle.  A l’étage, étaient les cellules. C’est un plan tout simple, presque  celui d’une ancienne et grosse exploitation rurale, bâtie en quadrilatère avec une cour et des murs extérieurs percés, par sécurité, de rares et étroites ouvertures, comme on a de nombreux exemples en Rouergue. On rapprochera le cas de  Costejean de deux petits monastères de femmes contemporains, également  isolés : celui des Cisterciennes de Vic (Capdenac, Lot), unies à Leyme, et celui des Clarisses de Granayrac (Salles-Courbatiès), tous deux fondés au début du XIVe siècle. Il n’en reste plus grand’chose.
Pour en savoir plus : Annie Noé-Dufour, « Le Prieuré des Cisterciennes de Costejean , à Saint-Antonin », dans Caylus et Saint-Antonin-Noble-Val, Tarn-et-Garonne… (dir. : B. Loncan), Paris, Inventaire Général des Monuments…, 1993, p. 110-114.