Jean Delmas nous offre ses réflexions sur les thèmes abordés durant la première journée d’études de Cisterciens en Rouergue du 13 septembre 2014.
Voici le deuxième  volet de commentaire sur l’intervention de Christine Ducoux dont le résumé se trouve sur la publication des résumés du colloque (disponible auprès de l’association)

Deux abbayes dans le Rouergue occidental : Loc-Dieu (1123) et Beaulieu (1144) : deux démarches différentes en matière d’acquisitions territoriales ?

Les abbayes de Loc-Dieu et de Beaulieu, très proches, ont été fondées à peu de temps d’intervalle, l’une en 1123, l’autre en 1144. Elles ont bénéficié du soutien et des dons de deux familles influentes de ce coin du Rouergue, les Paris (famille du troubadour Bertrand de Paris) et les Valette.
Le fait que Beaulieu ait été établie après Loc-Dieu et dans la pointe occidentale du Rouergue explique peut-être sa faible extension territoriale. On connaît le nom de cinq granges. Une seule, Boscgayral, proche de l’abbaye, a été retrouvée. Les noms des autres ont disparu de la toponymie rouergate. Leur localisation n’est toujours pas connue, ce qui est surprenant. Faut-il les chercher dans le Quercy ou l’Albigeois voisins? Quel rapport eut Beaulieu avec le prieuré féminin de Costejean (1292), sis dans le même secteur ? Un moine allait sans doute y célébrer la messe. On manque d’étude.
Loc-Dieu, au contraire a pu étendre ses domaines dans le Rouergue occidental. L’abbaye a eu le tort d’accepter ou d’acquérir dans des régions lointaines des terres qu’il était difficile de gérer. Le domaine et la grange de la Rouge, sur le Larzac, étaient proches de l’abbaye de Sylvanès, fondée en 1120 et affiliée à Cïteaux vers 1136, mais ce n’est pas elle qui en a fait l’acquisition. Est-ce une question de dates, Loc-Dieu étant antérieure de peu à Sylvanès ? Le domaine de Lescure-Fangel (Prades-de-Salars) est acheté vers 1160. L’abbaye a-t-elle cherché des terres d’estive dans les environs? Une draye, identifiable à partir de Rieupeyroux, passait à proximité de ses trois granges de Colombiès, sur le plateau du Ségala et se dirigeait vers le Lévézou par Pont-de-Salars, ce qui rend cette hypothèse vraisemblable. Mais, finalement, la formule n’a pas convenu. La gestion de ces deux granges lointaines a-t-elle été déficitaire ? En 1177, la puissante abbaye de Bonneval soulage financièrement Loc-Dieu en lui achetant les deux domaines et, par un échange, elle les cède dès 1181 au Temple de Sainte-Eulalie, ce qui permet à celui-ci de développer ses terres de dépaissance du Larzac et d’estive du Lévézou. Les deux expériences lointaines de Loc-Dieu ont donc été des échecs.