L’abbaye de Sylvanès (1136), dans le Rouergue méridional : un territoire cohérent dans sa diversité.
Une première remarque : Sylvanès n’a pas eu de voisin cistercien dans le Rouergue méridional, à part l’abbaye de femmes de Nonenque qui lui était associée. C’est la seule abbaye cistercienne du Rouergue dont on conserve le cartulaire général original. Les divers ouvrages édités, en Aveyron, sous le nom de cartulaires sont en fait des transcriptions d’actes originaux ou de copies, comme celles de la collection Doat, réalisées par des érudits (Bonnecombe, Bonneval, Loc-Dieu, Nonenque). On constate dans la constitution du domaine de Sylvanès une cohérence, le souci d’une polyvalence et d’une complémentarité qui permettaient à l’abbaye de vivre en autarcie. Presque tout est à portée de main: un secteur céréalier, des domaines viticoles, des plantations de fruitiers, des pâtures pour les chevaux sur le Larzac, des territoires d’élevage pour les brebis, constitués de devèses sur le causse et des « alpages », un peu plus loin, sur les Monts de Lacaune, des forêts, des moulins… Ajoutons un pôle minier (Promillac et Pardinègues), au sud de Sylvanès. La nature a donc favorisé cette abbaye. Bonnecombe ou Bonneval n’ont pas eu des atouts aussi divers, malgré leur plus grande extension territoriale. Le Ségala et le haut Lévézou sont pauvres en minerais. L’abbaye avait quelques granges éloignées, mais à distance raisonnable, comme Margnès et Cantoul près de Lacaune (estives des brebis), et Silvaplane, non loin de Béziers (vignoble). Ces granges auraient en outre servi de relais en direction de villes et des foires, pour la vente de certains produits. Dernière question : l’abbaye de Sylvanès a-t-elle tenu compte des circonscriptions ecclésiastiques et des implantations monastiques antérieures ? Prenons l’exemple de Saint-Rome-de-Tarn, où Sylvanès est venu après Conques, fondateur très probable de la sauveté. Quelles furent leurs relations ?
L’abbaye des cisterciennes de Nonenque (1145) : un schéma identique à celui de Sylvanès.
L’abbaye des cisterciennes de Nonenque était voisine de l’abbaye de Sylvanès, avec laquelle elle avait des liens spirituels (messe, sacrements, instructions) et matériels (gestion des granges, travaux hors clôture). Le schéma de constitution du domaine, avec des granges proches et trois assez éloignées, est presque identique à celui de Sylvanès. Des sœurs converses ou des donates, qui n’étaient pas astreintes à la clôture, géraient directement les deux granges du Mas Andral et de Caussanus. On peut supposer que pour les gros travaux agricoles, comme les labours, des frères de Sylvanès ou des salariés, apportaient leur concours. Les autres granges devaient être dirigées par des frères de Sylvanès. On aimerait en savoir un peu plus sur la formule que les sœurs avaient adoptée. Malgré sa proximité de Sylvanès, le territoire de Nonenque n’en avait ni la variété ni la richesse et avait besoin d’un apport extérieur. Les moniales possédaient trois granges plus éloignées, mais de meilleur revenu et sur des axes importants, ce qui leur permettait aussi de servir de relais commerciaux : Lioujas, au nord de Rodez, au bord de la draye de Rodez vers L’Aubrac (transhumance ovine), Cornil, près de Clermont-l’Hérault (viticulture), et Saint-Sulpice (la Pointe), alors dans le diocèse de Toulouse (terres céréalières). Il y avait obligatoirement des frères pour diriger chacune et sans doute une chapelle ou, à proximité, une église (par exemple Cayssac, Cne de La Loubière, pour Lioujas).