Voici le dernier résumé parmi les communications données lors de la journée d’étude de Cisterciens en Rouergue consacrée à l’abbaye de Beaulieu en Rouergue et son environnement le 29 Aout 2015.
Abbaye de Beaulieu
Chapelle dite des convers, le décor peint
Présentation
La chapelle dite des convers aurait été édifiée dans le 3ème quart du 13ème siècle, suivant la fiche du ministère de la culture. C’est un petit bâtiment de plan rectangulaire, couvert d’un berceau faiblement brisé.
L’intérieur présente un enduit chaux sable aujourd’hui très lacunaire, ces vestiges sont suffisants pour conclure que la surface des murs était entièrement recouverte, et que le décor couvrait, on peut le supposer, l’ensemble du parement.
Ce document du passé est parvenu jusqu’à nous en bien mauvais état.
Le choix décoratif est modeste et les peintres certainement inexpérimentés.
Malgré cela, tentons de situer ce décor dans son époque et comprendre sa réalisation.
Précisons tout de suite, l’horreur de la paroi nue pour un regard médiéval, ceci incite à peintre des motifs couvrants en manière de tenture. Les motifs géométriques et le faux appareil remplissent à peu de frais ce programme, ils sont très économes de moyen et cependant d’une grande variété : ajout d’une fleur, volute, joint simple, joint double etc.
Aussi damiers et losanges peints se développent particulièrement à partir du XIIIème siècle.
Le décor géométrique
Le décor géométrique est utilisé de trois manières : en fond de figures historiées, en accompagnement (soubassement, frises etc..) ou réalisé seul.
Regardons le décor de la chapelle : une frise souligne l’architecture, disposition courante, elle est peinte sous l’imposte.
Des losanges remplissent le reste du mur, sud et nord, on ne sait pas comment était traité le soubassement.
Le faux appareil
Le mur ouest, semble avoir porté un faux appareil à joints verticaux doubles, mais aussi d’autres motifs, devenus illisibles.
Le mur Est présente un décor différent …la baie à été bouchée par une maçonnerie.
à gauche de cette baie on voit des vestiges de fleurs, d’épis de blé, de galons …ces décors semblent être postérieurs.
Technique du chantier
Un badigeon blanc crème (chaux+eau) a été brossé sur l’ensemble des parements.
Les pigments utilisés sont l’ocre rouge et le noir.
L’ocre rouge pigment coloré par l’oxyde de fer n’est pas toujours disponible, mais c’est très facile de calciner une argile jaune pour l’obtenir.
Pour le noir, c’est le carbone le principe colorant : forme minérale : graphite, houille, mais plus vraisemblablement un pigment issu d’une combustion : os, lie de vin, corne de cerf etc. ou encore plus facile : la suie d’une cheminée. La préparation des couleurs de fait en mélangeant : pigment +chaux +eau.
Les peintres ont commencé par tracer le faux appareil et les panneaux de losanges : avec une cordelle trempé dans un badigeon ou dans le pigment en poudre. La cordelle est claquée, exactement comme nous le faisons avec un cordeau. Ils sont mal partis, les parallèles ne sont pas fiables, mais surtout, après beaucoup d’essais pour comprendre, nous pensons qu’ils n’ont pas reporté l’aplomb en bas du mur correctement, les écartements décalés produisent une déformation du losange et une ligne de motifs qui descend.
Tant qu’ils n’y avaient que des lignes, ce problème n’est pas exactement perçu, en peignant, la construction défaillante se voit immédiatement.
La frise est peinte par-dessus la première ligne de losanges; est-ce un rattrapage, en tout cas, ils ne sont pas très regardant, on observe toutes sortes de variation.
Constat d’état
Cette chapelle à dû servir à une époque récente de chais, la petite cheminée dans l’angle et la baie du mur Est bouchée, nous le suggère. Ce n’est pas idéal pour la conservation de la peinture.
Humidité, infiltration, condensation, tout à dû y passer.
Une peinture murale c’est un système adhésif et cohésif.
L’enduit est décollé du support, il présente une perte de cohésion, des manques etc…
Beaucoup de problèmes de sel; l’eau réactive le processus de carbonatation et crée un blanchiment général avec la remontée des sels (carbonates, bien sur mais aussi sulfates, nitrates, silicates)
La couche picturale est érodée, pulvérulente ou bien calcitée
Il y a des moisissures et des traces de fumées.
…la petite chapelle a surement encore beaucoup de choses à nous dire, mais notre première visite est terminée !