Jean Delmas nous offre ses réflexions sur les thèmes abordés durant la première journée d’études de Cisterciens en Rouergue du 13 septembre 2014.Voici le quatrième volet de commentaires sur les interventions de Thomas Poiraud (Bonneval)  et de Annie Denoual (Galinières) dont les résumés se trouvent sur la publication des résumés du colloque (disponible auprès de l’association)
L’abbaye de Bonneval (1147) : une économie fondée su l’élevage, puis sur l’agriculture.
Les granges précédentes, celles qui sont parvenues jusqu’à nous, sont en général, du point de vue architectural, relativement modestes. Ce n’est pas le cas des granges de Bonneval, qui, il est vrai, ont dû se fortifier au moment de la guerre de Cent Ans, mais on n’a pas lésiné : Masse (vers 1453), la Roquette (vers 1437 ?), la Vayssière, Séveyrac, Galinières (1370), etc. Mais ces travaux étaient justifiés par la qualité des domaines, après deux siècles de mise en valeur. L’abbaye a été fondée, comme toutes les autres, dans un secteur qui avait déjà connu une empreinte monastique. Celle de Conques est évidente : Perse (Espalion), mais aussi Coubisou et Flaujac (Espalion). En outre Conques a participé à la fondation de l’importante domerie d’Aubrac, à côté. Ainsi qu’on l’a vu à propos de Sylvanès et qu’on le verra pour le Naucellois, les Cisterciens ne semblent pas avoir été handicapés dans leurs développements par les établissements monastiques antérieurs. Que l’aristocratie locale ait fait autant de dons montre combien l’idéal de perfection des moines de Cîteaux, appelés les « chevaliers de Notre-Dame », trouvait, à ce moment-là, un grand écho dans cette classe sociale. La situation de l’abbaye de Bonneval sur le versant en pente de la Boralde, entre montagne et vallée du Lot, à l’écart du chemin de Rodez à Laguiole, aurait dû être défavorable. Mais la puissante famille de Calmont (son fondateur est un Calmont) l’a soutenue matériellement et moralement. Des alpages sur l’Aubrac et des devèses sur le causse, au sud du Lot, vont, du fait de leur complémentarité saisonnière et pastorale, constituer sa puissance et sa première fortune, en permettant d’élever des troupeaux toute l’année : hivernage sur le causse, estivage sur la montagne. L’organisation de domaines agricoles aurait été une deuxième étape. Le pastoralisme initial pourrait expliquer la rapidité avec laquelle les granges ont été constituées (Thomas Poiraud). Six d’entre elles, sont déjà nommées dans la bulle de protection d’Alexandre III de 1162. Elles ont donc été créées en moins de quinze années, alors que la construction de l’abbaye occupait tous les moines ! S’agissait-il de bâtiments en dur ou provisoires ? Les domaines du causse se seraient dotés plus tard de terres céréalières organisées, de prairies à foin, de bâtiments ruraux et de greniers. Reste le cas des granges lointaines. La grange de la Serre, isolée en Ségala, est nommée dès 1162 Elle dut être d’abord vouée, elle-aussi, au pastoralisme. Bonneval l’abandonnera assez vite et définitivement, en la vendant à Bonnecombe en 1225. Celles de la Rouge et Lescure-Fangel, furent acquises, vers 1177, de Loc-Dieu, qui avait besoin de numéraire, et cédées au Temple presque aussitôt, en 1181. Dans ces trois derniers cas, il s’agit d’une répartition réaliste entre maisons religieuses. Enfin, Bonneval conserve, hors de son territoire agro-pastoral, trois granges qui lui ont fourni des denrées complémentaires : La Planque (vignoble), dans le Vallon de Marcillac, assez proche de la Vayssière, Quézaguet (vignoble, amandiers) dans la vallée du Tarn et Montaigu (vignoble, oliviers, amandiers), près d’Anduze (Gard).
La grange de Galinières (vers 1185) : le domaine achevé.
Cette grange, constituée grâce aux libéralités des évêques de Rodez, est l’exemple achevé des domaines monastiques du causse : pâturages, prairies de fauche bien irriguées, permettant plusieurs coupes, terres à blé, bois. L’ensemble des bâtiments en impose. Les abbés de Bonneval élèveront des fortifications et en feront, plus tard leur résidence temporaire. Les Bourines, grange d’Aubrac, proche de Galinières, présente les mêmes avantages géographiques et économiques, voire défensifs, et elle sera la résidence des doms d’Aubrac ! On aimerait savoir précisément quels en étaient les effectifs monastiques. Quelle était la capacité, avant les transformations du XIXe siècle, du tinelet, qui aurait été le réfectoire des convers ou des donats, qui résidaient en permanence dans le domaine ?